Chacun de nous est né avec des potentialités inhérentes à sa personnalité, un peu comme les propriétés du chêne sont présentes dans le gland. Les grands rêves en impulsent l’actualisation, ils sont les guides de l’âme, ils impriment une direction et sont source de créativité.

De tels rêves engendrent une émotion dont la charge dépasse ce qu’elle devrait logiquement générer. Plus l’image vient des profondeurs, plus elle impressionne, dans un mélange de surprise, de crainte et de respect. Il y a ainsi certains rêves dont on se souvient toute sa vie. Derrière l’émotion qui nous saisit, ce qui se manifeste est la libido, la pente d’écoulement naturelle de l’énergie de l’âme.

Les rêves transformateurs surgissent plus particulièrement lorsque l’on est en recherche de son dynamisme créateur. Je vous propose d’apprendre à les écouter, par un travail d’analyse et dimagination active.

Rêve nocturne ou voyage chamanique ?  Une même activité imaginale
Si le rêve nocturne est un des canaux les plus courants de notre activité créatrice, c’est parce que dans le sommeil le contrôle conscient est endormi. Les personnes ayant acquis une grande capacité de lâcher prise du mental peuvent aussi avoir ces images en état éveillé. Un autre canal est celui du rêve éveillé — très apprécié lorsque l’on devient insomniaque! Une des manières de l’induire est celle la voie chamanique. À la différence du rêve, elle est induite à partir d’une intention consciente, et nécessite un rituel de retour à soi dans la réalité ordinaire. Si le « voyage chamanique » est une manière puissante de se connecter à monde imaginal, le pratiquer ne suffit pas à faire de  nous des chamanes.

Dans les deux cas, les images qui montent à la conscience portent en elles des lueurs pour avancer dans le brouillard, des clés pour s’orienter vers des choix créatifs. Encore faut-il apprendre à les écouter et les prendre au sérieux.

Amplifier ses images, une activité artistique
Un rêve est fugace et s’évanouit rapidement au réveil, même si les plus puissants peuvent laisser une impression qui traverse la vie. À nous de nous rendre disponible, en conservant à son chevet un carnet de rêves sur lequel en recueillir les traces. Il n’est pas nécessaire d’être exhaustif. Ce peut-être une histoire mais  aussi des sensations, une image plus forte que d’autres. En captant un rêve, nous lui permettons de remonter à la conscience, et il continuera de travailler jusqu’au moment de l’analyser, de dialoguer avec lui. Dans tous les cas, il est bon de se laisser porter, l’image va continuer de vivre et nous emmener plus loin…

Si vous écrivez un rêve, faites-le au temps présent, pour rester connecté à la charge émotionnelle. Noter l’émotion qui connote le rêve lui-même mais également celle du réveil. Si vous dessinez votre rêve, renoncez à faire un tracé joli, ni même représentatif. Ce qui compte est le choix de la couleur, l’intensité du trait, la sensation du mouvement. Il est préférable de ne représenter que l’image dominante, plutôt que de vouloir restituer toute une bande dessinée. Si vous dansez votre rêve, partez de même de l’image la plus présente et suivez le mouvement auquel votre corps vous invite. Et si vous chantez votre rêve, renoncez aux mots et à toute chanson connue, pour laisser sortir le son, le rythme, la mélodie la plus proche émotionnellement de l’image.

Si l’amplification fait appel aux expressions artistiques, le but n’est pas d’en faire une oeuvre d’art.

Dialoguer avec ses images : le travail d’imagination active
Il est contre-productif de vouloir décortiquer un rêve de manière exhaustive : cette attitude cartésienne ne servirait qu’à le vider de sa charge mystérieuse et à se couper de lui. Il ne s’agit pas non plus de l’expliquer. Analyser un rêve, c’est plutôt chercher ses résonances émotionnelles dans nos références culturelles, sociales, familiales et personnelles. C’est l’envisager d’un point de vue externe (« et si cette image me renvoyait à un élément, un personnage, une situation de ma vie externe ? ») autant qu’interne (« et si cette image me renvoyait à une facette de moi-même ? »). Cela demande une attitude interrogative, qui s’adresse directement aux images du rêve : « Qui es-tu ? Pourquoi toi et pas une autre image ? Pourquoi maintenant ? » C’est bien d’un travail d’imagination active qu’il s’agit.

Dans ce travail, CG JUNG  recommandait quatre étapes essentiel: (1) Laisser venir, accueillir sans jugement — (2) Contempler, prendre le temps de rester en contact — (3) Se confronter, entrer en dialogue — (4) Agir, transformer sa vie activement selon le message reçu.

Or, il faut bien relever le processus suivi : c’est une image qui vient d’abord, le discours ne vient qu’après – l’interprétation qu’on en fait, la compréhension qu’on en a.

CG JUNG

Social Dreaming Matrix : un tissage collectif des rêves au sein d’un groupe
Une « matrice » fait  référence à une mise en réseau, c’est en cela qu’elle est « sociale ». L’’inconscient collectif du groupe se manifeste, une communication essentielle se manifeste, y compris dans l’affectif, le non-verbal et l’imaginaire. Une matrice est également un lieu à partir duquel quelque chose grandit : elle génère du sens partagé et encourage de la créativité au sein du groupe.

Dans une matrice de rêves, les participants sont invités à partager les rêves qu’ils ont faits au cours des nuits ou des semaines précédentes. L’’accent est mis sur le rêve et non sur le rêveur. Le rêve partagé n’appartient plus au rêveur, il fait son chemin à la rencontre d’autres rêves et des associations des autres participants. L’idée n’est pas de s’approprier le rêve, mais de le laisser suivre son propre chemin, à la rencontre d’autres rêves et des associations des autres participants. Chacun est encouragé à proposer des associations pour ces rêves, à les laisser naviguer à travers la salle à la recherche d’une résonance et à observer comment les rêves créent des images qui révèlent quelque chose sur les processus collectifs :  les images qui circulent révèlent les thèmes partagés dans l’inconscient.

Les rêves dans la matrice initient inévitablement des conversations : un rêve en entraîne un autre, créant des associations, permettant aux participants de faire venir les rêves de l’infini, de les reconnaître comme une source de créativité et de sens disponible pour leur vie quotidienne.