La pensée dite des Temps Modernes (17e-18e siècles), avec Descartes, Galilée, Newton, a consacré la suprématie du rationalisme. Elle a aussi déprécié notre intuition et sensibilité, et disqualifié notre rapport au sacré, aux mythes et aux images. Depuis, les hommes se croient le centre du monde. Dans la mythologie grecque, cet orgueil humain démesuré portait un nom, l’hubris, et appelait la colère des dieux.

La grande erreur de notre temps, cela a été de pencher, je dis même de courber, l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel. Il faut relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même, et par conséquent avec la société.
Victor HUGO (poète, 19e siècle)

À mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé. L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente avec ses phénomènes. Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs implications symboliques. Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme, et les cavernes ne sont plus habitées par des démons. Les pierres, les plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme, et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ces relations symboliques… Notre vie présente est dominée par la déesse Raison qui est notre illusion la plus grande et la plus tragique.
CG JUNG (psychiatre, 20e siècle)

Ainsi, ces personnes sont incapables d’imaginer un futur différent de leur passé. Leurs images organisatrices internes sont ‘coincées’. Par conséquent, elles sont incapables d’envisager et de manifester des rêves, et de participer à la création de la riche tapisserie humaine.
Dr Peter A. LEVINE, PhD (biophysicien, 21e siècle)

Trauma sociétal

L’homme mutilé
Les manifestations de ce dessèchement au 21°s sont multiples : réduction de l’homme à une machine ou une puce (trans-humanisme) ; prévalence de l’intelligence artificielle sur le bon sens et l’intelligence intuitive et sensible ; rejet du sacré et des rituels ; montées des peurs, des violences et des décompensations psychiques ; distorsions cognitives et estompement de l’éthique.

La planète mutilée
Le prix de cet hubris est l’hyperconsumérisme, l’exploitation intensive de la terre et de l’humain,  et le burnout de l’une de de l’autre. Nous consommons plus que ce que la planète peut produire, épuisons ses ressources, l’étouffons de nos déchets et déséquilibrons les écosystèmes (forêts, océans, climat). S’ensuivent les cataclysmes, l’extinction des espèces, les contaminations du monde animal (zoonoses),  et les migrations incontrôlables.

Cercles vicieux
Les souffrances de notre époque sont multiples :

  • Un sentiment de détresse, durable ou transitoire affecte les individus ayant pris conscience de la détérioration de notre biosphère et de l’absence d’alternatives (il n’y a pas de planète B). C’est l’éco-anxiété — aussi nommée solastalgie : la nostalgie mélancolique qu’un individu ressent en perdant le foyer aimé. Ses manifestations sont diverses, telles l’hésitation à fonder une famille, etc.
  • Un effet miroir entre la planète et ses habitants. Nos pathologies psychosomatiques (troubles respiratoires, digestifs, immunitaires, dégénératifs, du sommeil) reflètent et expriment les étouffements de la vie naturelle (pollution, urbanisation galopante, industrialisation à outrance, etc)

Notre perte de reliance avec le monde naturel nourrit notre névrose collective contemporaine et conduit à toujours plus de détérioration de nos écosystèmes et de nos psychismes.

Traumas individuels

Les traumas chroniques réveillent des peurs primitives d’abandon. Dès l’enfance, pour éviter de ressentir ces peurs, trop puissantes pour un système nerveux encore fragile, nous déclenchons des stratégies de survie sous la forme de personnalités de façade et de comportements basés soit sur la honte soit sur une prétendue fierté. Or, si dans l’enfance ces stratégies aident à survivre, à l’âge adulte elles bloquent notre élan de vie et affectent :
  • notre système immunitaire (dérégulation du système nerveux végétatif, figements)
  • notre vécu émotionnel (coupures de soi ou débordements)
  • notre système musculaire (raidissements ou flascitudes)
  • notre aptitude à être authentiquement présent dans la relation
  • notre élan créatif.