Les portes du monde du Soi sauvage sont rares, mais précieuses.
Si vous avez une cicatrice profonde, ceci est une porte.
Si vous avez une vieille, vieille histoire, ceci est une porte.
Si vous aimez le ciel et l’eau à tel point que vous ne pouvez pratiquement pas y résister, ceci est une porte.
Si vous rêvez d’une vie plus profonde, pleine et sensée, ceci est une porte.Clarissa PINKOLA-ESTÈS
Les plus belles technologies ne suffiront pas à renverser le désenchantement du monde. Une mutation intérieure est nécessaire. Voici quelques-unes des passerelles vers une conscience élargie, de soi et du Monde.
La porte des sens externes
Ressentir les situations à travers tous nos sens élargit notre conscience. La vue, le sens le plus récent dans l’ordre d’apparition chez l’espèce humaine et chez l’individu, est aussi le moins propice à nous connecter au monde des profondeurs. Ce sont les sens les plus archaïques, à contre-sens de la tendance culturelle de la modernité, qui nous donnent accès au Monde Autre : le toucher (le sens le plus ancien), puis le goût, l’odorat, l’ouïe.
Toucher la terre. Goûter la terre. Humer la terre. Écouter la terre.
Toucher la vie. Goûter la vie. Humer la vie. Écouter la vie.
La Terre. La Vie.
La porte des sensations internes
Le corps parle. Il métabolise nos expériences et exprime nos émotions. Il manifeste notre réponse, confiante, stressée ou tétanisée, aux circonstances. Il ne se trompe pas. Lui faire confiance, c’est renforcer notre confiance en soi et nous orienter de manière plus affinée, plus authentique, dans le monde. Concrètement, notre ancrage corporel fait partie de nos compétences naturelles souvent oubliées et qu’il nous faut réapprendre.
Élargir notre conscience psychosensorielle. Devenir attentif à notre proprioception (orientation, équilibre, mouvement). Reconnaître nos sensations internes (frémissements, température, tensions, rythme cardiaque, etc). Endurer ces manifestations physiologiques qui expriment nos émotions ,parfois intenses. Nous laisser surprendre par ces réactions corporelles, même quand elles contredisent nos croyances sur nous-mêmes.
La porte du supra-sensible
Il est des sensations plus fugaces que les sensations internes psychosensorielles, plus subtiles aussi. L’âme s’exprime par le corps. Une plongée immédiate dans les profondeurs. Des sensations d’ordre vibratoire. Le langage courant les traduit par la petite voix, l’intuition, l’instinct, le flash, la sensation viscérale (le « gut feeling ») , le 6° sens. L’intuition, c’est irrationnel. Elle est la portée de tous, mais elle requiert de devenir attentif à ces subtils signaux qui passent dans le corps. Einstein la définissait comme une sensation au bout des doigts.
Un bond se produit dans la conscience, et la solution vient à vous, et vous ne savez ni comment, ni pourquoi.
La porte de l’Intention-qui-a-du-coeur
L’intention est la direction de la demande adressée au monde Autre. De la qualité de l’intention dépend la qualité de la réponse reçue en retour du monde imaginal. Elle exprime un cap, ce vers quoi on tend, son désir profond. Clarifier son intention, c’est s’engager envers soi-même, prendre au sérieux le désir qui nous anime. Elle doit être sincère et venir du cœur. Elle doit être à la fois ferme et dépouillée de toute exigence : elle contient à la fois l’état désiré et l’acceptation que l’avancée se fasse pas à pas. Sa fermeté porte sur la clarté de son désir ; le lâcher-prise porte sur l’acceptation des détours, les leçons du chemin.
La porte du silence
Patience, patience, Patience dans l’azur ! Chaque atome de silence Est la chance d’un fruit mûr !
Paul VALERY
Le silence est un « vide gravide », un vide annonciateur de plein. Le vide du trou noir, mortifère angoissant. Le vide du neuf à naître, qui ouvre sur la vie. Il s’expérimente dans la méditation. Se poser. Se centrer. S’ancrer. Les pieds, ou genoux, enracinés dans le sol. La colonne vertébrale ancrée dans le bassin, la nuque légère, la fontanelle reliée au ciel. La respiration entre et sort, inspir, expir. Les pensées passent. Se taire. Écouter. Entendre. L’air qui entre, les viscères qui gargouillent, le cœur qui bat dans les tempes. La maison qui craque, la tuyauterie qui glougloute, une porte qui claque. Un klaxon, un pépiement, un cri d’enfant.
La porte du temps
Notre société privilégie le temps linéaire qui maîtrise le futur et fait « table rase » du passé, et le temps accéléré, l’urgence et le court-terme. D’autres sociétés, comme celle des Indiens Kogis de Colombie, privilégient la lenteur, le temps de la maturation, et perçoivent le temps comme cyclique : le futur est derrière eux, puisqu’inconnu. Le passé est devant eux, il est leur mémoire vivante, le terreau de leur devenir.
Le monde imaginaire, le monde de l’inconscient créateur, ignore le temps. La physique quantique confirme qu’il existe un « au-delà » de l’espace-temps. Elle observe aussi que le futur existe déjà et influencent le présent. Voilà qui brouille nos références temporelles. Habiter le monde en poète, c’est aussi redécouvrir le temps circulaire, l’éternité dans l’instant. Suspendre le temps. Suspendre l’action. Suspendre le jugement. Lâcher- prise.