L’écologie profonde est une éthique de la nature, une interrogation sur les conséquences mortifères de nos modes de vie. Elle se différencie d’une écologie de surface se résumant à la recherche de réponses urgentes aux écroulements en cours, dans une perspective opportuniste restant anthropo-centrée. L’écologie profonde propose un renversement dans la hiérarchie du Vivant : c’est la nature qui est le système global, et l’homme n’en est qu’un des éléments. Cette perspective bio-centriste est un renversement de paradigme aussi fondamental que le fut, au 16e siècle, celui du géocentrisme à l’héliocentrisme.

Expérience spirituelle

Assez souvent, lorsque j’étais seul, je m’asseyais dessus, et alors commençait un jeu de pensées qui prenait à peu près la forme suivante : “Je suis assis sur cette pierre. Je suis en haut, elle est en bas.” Mais la pierre pouvait tout aussi bien dire : “Moi, je…” et penser : “Je suis plantée ici, sur cette pente, et il est assis sur moi.” Alors se posait la question : “Suis-je celui qui est assis sur la pierre, ou suis-je la pierre sur laquelle il est assis ?” Cette question me troublait chaque fois ; je me redressais doutant de moi-même, me perdant en réflexions et me demandant : “Qui est quoi ?” »

CG JUNG

Entre la planète et les hommes. il existe une profonde interconnexion. Il y a un Monde Un, où chaque âme humaine  est reliée à l’âme du monde. Unus Mundus. Si l’on prend assez de recul pour porter un regard global sur le monde, on perçoit une intime résonance entre les blessures anthropologiques de l’humanité et les blessures physiques de la planète. La Terre est en burnout. Les humains sont en burnout. Ce n’est pas un hasard…

S’ouvrir à l’âme de la Terre, c’est s’ouvrir à notre intériorité la plus vaste, c’est élargir notre âme.

Expérience psychique

La dépression que nous essayons tous d’éviter pourrait très bien être une réaction chronique prolongée à ce que nous avons fait au monde, un deuil et une peine pour ce que nous faisons à la nature et aux villes et aux peuples entiers — la destruction d’une grande partie de notre monde. Nous pouvons en partie être déprimés parce que c’est la réaction de l’âme au deuil et à la peine que nous ne vivons pas consciemment (…) Peut-être que la manière de commencer la révolution est d’assumer votre dépression.

James HILLMAN

La solastalgie — de l’anglais «solace (réconfort) et du suffixe algie (douleur)— constitue l’une des souffrances de notre époque. C’est le sentiment de détresse qui nous affecte tôt ou tard lorsque nous prenons conscience de la détérioration de notre biosphère et de l’absence d’alternatives (il n’y a pas de planète B). Cela ressemble à la nostalgie ou à la mélancolie qu’un individu ressent en perdant le foyer aimé. Ses manifestations sont diverses, de la tristesse en pensant aux animaux marins qui meurent étouffés par les déchets plastiques, à l’inquiétude face aux détériorations du climat qui se multiplient, en passant par l’hésitation à fonder une famille en raison de l’avenir planétaire incertain, etc.

Cercle vicieux, notre perte de reliance avec le monde naturel nourrit notre névrose collective contemporaine. Nos pathologies psychosomatiques (troubles respiratoires, digestifs, immunitaires, dégénératifs, du sommeil) traduisent notre déracinement de la vie naturelle (urbanisation galopante, industrialisation à outrance, technologies invasives, consumérisme). Inversement, la maltraitance que nous infligeons à nos écosystèmes peut être vue comme l’expression d’une projection inconsciente sur la nature de nos souffrances psychiques (dépendances, angoisses, haines). On peut même envisager que le tri conscient de nos déchets reflète en miroir le tri nécessaire de nos déchets intérieurs.

La détérioration de nos écosystèmes et celle de nos psychismes vont de pair. Rétablir une spirale vertueuse passe par un chemin de retrouvailles avec la Nature et d’ouverture à son effet miroir. C’est ce que propose l’écothérapie : écouter la souffrance humaine sous l’angle de l’épuisement de la biosphère. Cette suggestion de processus parallèles entre la planète et ses habitants est une hypothèse féconde, qui ne cherche pas à se prouver de manière causaliste mais à ouvrir une nouvelle lecture au-delà des dynamiques intrapsychiques, intrafamiliales ou transgénérationnelles.

Experience corporelle

Par moments, je suis comme répandu dans le paysage et dans les choses et je vis moi-même dans chaque arbre, dans le clapotis des vagues, dans les nuages, dans les animaux qui vont et viennent et dans les objets.
CG JUNG

Aimer la Nature ne veut pas dire la regarder par la fenêtre. Ni la consommer de manière utilitaire. Ni la domestiquer à notre service. Cela veut dire la considérer comme une amie et pas comme une ressource. s’y plonger, s’y immerger. La toucher, la respirer, se laisser inspirer par elle, l’’écouter. C’est dresser nos antennes intérieures, nos vibrisses, nous mettre à l’écoute de la Terre qui parle à travers notre psyché. Il s’agit de prendre soin de la Nature par sympathie pour elle et non par peur du désastre ou par culpabilité. La Nature n’a pas besoin de nos soins, elle a prouvé lors du Confinement que dès que nous cessons de l’abîmer, elle revit. C’est nous qui en avons besoin. La respecter signifierait que nous nous respectons enfin nous-mêmes. En prendre soin signifierait que nous prenons soin de nous et des autres.

Plus que jamais, nous sommes appelés à…

  • Passer du temps avec elle, à distance de nos appareils connectés, smartphone, montre, caméra, QR codes…
  • Renoncer à la transformer et accepter de nous laisser transformer par elle.
  • Entrer en elle et la laisser entrer en nous.
  • Retrouver le chemin de nos instincts et nos perceptions..
  • Nous laisser toucher par les végétaux, les oiseaux, les insectes, le ciel étoilé et les orages…